Dans le cadre de l’opération #LisezVousLeBelge, votre bibliothécaire Sherilyn vous propose de découvrir l’un des héros cartoonesques les plus célèbres de Belgique, j’ai nommé : Spirou !
Nous connaissons tous Spirou. Un grand espiègle qui arbore fièrement sa tignasse rousse, et qui est toujours accompagné de son fidèle compagnon: l’écureuil Spip. Il trône fièrement devant la gare de Charleroi-sud, et son portrait est dans toutes les librairies. Mais que savez-vous vraiment de ce héros national? Je vous propose de partir à la découverte de cet aventurier au grand cœur, dans un premier temps en vous parlant de deux nouvelles bandes dessinées qui m’ont particulièrement marquées.
2019 a été une année en demi-teinte pour notre bon Spirou. En effet, le 5 octobre 2019, le scénariste de bande dessinée belge, Philippe Tome, est décédé. Triste nouvelle, grande perte ! Je vous avoue que quand je l’ai appris, j’ai eu un pincement au cœur. Tome, on lui doit “ Soda”, des tomes de “Spirou et Fantasio”, mais surtout, une de mes séries madeleine de Proust: “ Le petit Spirou” !
Cette même année sortait le tome 18 de cette série, intitulé “La vérité sur tout”: Spirou enfant nous livre un panel de vérités, les vraies, les fausses, celles qu’on préfère ignorer et celles qu’on tente le plus possible de dissimuler. Un tome qui mêle gags, réflexion et presque (oserais-je le dire) philosophie ! La série “Le petit Spirou” retrace, sous forme d’humour potache et de burlesque presque libidineux, les aventures de notre cher aventurier dans son enfance. Si les gags et les farces nous font rire aux larmes, certaines planches sont teintées de petites leçons de vie et de réflexions sur l’âge adulte dans ses bons comme ses moins bons côtés.
Je ne prendrai qu’un seul exemple à ce sujet: Monsieur Mégot. Je ne sais pas vous, mais je me suis toujours demandé quel genre de professeur de gym Tome et Janry ont eu dans leur enfance, pour avoir l’idée de créer un personnage tel que lui…
En parlant d’âge adulte, une bande dessinée qui a également retenu mon attention est “Super Groom – tome 1 – Justicier malgré lui” de Vehlmann et Yoann. Spirou, c’est notre héros depuis des années. Il a évolué mais n’a pas pris une ride ! Pourtant, nous sommes à l’ère des super-héros : qu’ils viennent du Japon ou des Etats-Unis, qu’ils portent un chapeau de paille ou un bouclier en adamantium, les super-héros fascinent petits et grands. Et Spirou dans tout ça?
Et bien, dans cette histoire, il se sent dépassé. Pour relancer le journal Spirou, notre ami décide de créer “Super Groom, le justicier à votre service”, pour attirer l’attention et générer le buzz. Mais cette blague devient une réalité quand une pétition est lancée sur le net pour exiger le retour de Super Groom. De nouvelles aventures s’annoncent alors pour notre comparse.
Je vais être honnête avec vous : j’ai dû lire une deuxième fois cette histoire pour l’apprécier à sa juste valeur. Si lors de ma première lecture j’étais juste perplexe devant un Spirou déprimé et dépassé, en relisant cette histoire je me suis rendue compte de toute la complexité de l’idée. Après tout il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis ! Spirou est un héros d’hier comme d’aujourd’hui, et s’il arrive à capter l’attention des lecteurs, c’est parce que ses auteurs savent le réinventer. Cette histoire nous livre un héros qui se doit d’évoluer avec son temps s’il veut perdurer, et, selon moi, le pari est réussi. Spirou est un personnage qui change mais qui ne vieillit pas. Sa force réside dans une fontaine de jouvence continuellement alimentée par des auteurs dont l’imaginaire n’a pas encore fini de nous surprendre.
Mais au delà du personnage, qui est Spirou? Spirou, c’est un mythe dans le monde de la bande dessinée franco-belge: il est à la fois héros d’aventures, icône d’un magazine, le Journal Spirou, et emblème d’une maison d’édition, les Éditions Dupuis (rien que ça !). Ce groom au grand cœur est devenu un exemple pour les enfants: il est débrouillard et courageux, il a l’âge de chacun d’entre nous, et il est très facile de s’identifier à lui.
La création de notre bon ami revient à Jean Dupuis, le fondateur de la maison d’édition Dupuis. L’idée était de faire “mieux que les autres” et de créer un journal qui serait lu par toute la famille. Si l’idée vient de ce monsieur, c’est grâce au dessinateur français Rob-Vel que Spirou est devenu Spirou. Il fallait créer un personnage typiquement belge, qui porterait le projet. Influencé par son passé de marin, Rob-Vel imagina un jeune groom roux. La profession de groom permet de partir à l’aventure et ses cheveux roux sont un symbole un peu marginal qui attire le regard. Rob-Vel lui imaginera une foule d’aventures.
Mais durant la 2ème guerre mondiale, il se voit envoyé au front et c’est sa femme, Blanche Dumoulin, qui reprendra son travail. La guerre se prolongeant, c’est Jijé qui reprend le dessin et terminera “Le fils du milliardaire”. Si on pense souvent qu’il est le créateur de Fantasio, en vérité, c’est à Jean Doisy, premier rédacteur en chef du magazine Spirou, qu’on doit la paternité du fidèle comparse de Spirou.
S’ils sont nombreux à avoir touché de près ou de loin à l’univers de notre aventurier, il y a un nom qui retient l’attention: André Franquin. Ce nom est totalement associé à l’Âge d’or du journal (1946-1968). C’est grâce à cet auteur marginal et fantasque que Spirou et Fantasio vont acquérir un univers si riche. On lui doit, en effet, le comte de Champignac (“Il y a un sorcier à Champignac”, 1951), le Marsupilami (“Spirou et les héritiers”, 1952), ou encore ma préférée: Seccotine (“La corne de rhinocéros”, 1953)… Sans oublier Gaston Lagaffe (“Panade à Champignac”, 1969), qui n’aura de cesse de perturber les planches du journal. Je ne pouvais évidemment pas, ne pas citer ce drôle de farceur, car il a une place toute particulière au sein de notre bibliothèque. Du Gaffophone réalisé par mes collègues, aux histoires que notre incroyable conteuse, Hélène, lui a dédiées l’année dernière, Gaston est presque devenu une mascotte.
Il m’est impossible de vous parler de tous ceux qui ont pu raconter Spirou. Certains lui ont donné une dimension engagée (Fournier – “L’Ankou”,1977), d’autres n’hésitent pas à parler de son enfance (Tome & Janry – “La Jeunesse de Spirou”, 1987) ou vont explorer une dimension plus sombre du héros (Tome & Janry – “Machine qui rêve”, 1998). Son dessin fit parfois écho au style “manga” made in Japan (Morvan & Munuera – “Spirou et Fantasio à Tokyo”, 2006), il nous revient souvent sous des traits plus “traditionnels” (Yoann & Vehlmann – “La Colère du Marsupilami”, 2016). Une chose est certaine : Spirou n’a pas encore fini de nous faire rêver.